Ce mercredi 10 avril 2024 marque les dix ans de la disparition de Dominique Baudis, ex-journaliste populaire, écrivain, maire de Toulouse et homme politique à l’échelle nationale. Retour sur le parcours détonnant et atypique de cet Homme qui a marqué, de son empreinte et ses idées, Toulouse et les esprits des Toulousains, voire des Français.
C’était il y a dix ans déjà. Le 10 avril 2014, Dominique Baudis, homme politique et homme des médias, s’éteignait des suites d’un cancer à l’hôpital du Val-de-Grâce, à l’aube de ses soixante-sept ans. Une perte qui avait mis en émoi la caste politique et la sphère médiatique, mais également les proches de cet homme qui a su révolutionner la Ville rose autant que l’Hexagone et dont l’empreinte et le regard perçant restent encore palpables. Pour preuve, ce mercredi 10 avril 2024, nombreux sont ceux qui se souviennent de lui comme un visionnaire, un challenger, un battant.
C’était un patron qui imposa sa marque à Toulouse. À cette ville qu’il aimait tant. Humble, il fascinait ceux qui le côtoyaient. Et même ceux qui ne le connaissaient pas. », se souvient encore Serge Didier, ancien adjoint, soutien pendant plus de vingt ans et avocat de Dominique Baudis.
Dominique Baudis a été un visionnaire, il reste un modèle politique et nombre de ses idées et projets ont bien vieilli. », nous a livré Pierre Baudis, le fils aîné de Dominique Baudis et Ysabel Saïah.
Il est celui qui est resté le plus longtemps en tant que maire de Toulouse, celui qui a le plus marqué l’histoire de la ville », a reconnu Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse.
De journaliste au Liban à homme politique à Toulouse
Dominique Baudis a commencé une carrière de journaliste en 1971 après avoir obtenu son diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris. Un métier de terrain et d’une intense passion qui l’avait conduit au Liban, puis comme correspondant de TF1 pour le Proche-Orient ou encore, comme présentateur du journal télévisé de 20 h de la même chaîne de 1977 à 1980. C’est à cette période charnière de sa vie qu’il avait rencontré, pour la première fois et hors contexte politique, Jean-Luc Moudenc. C’était en 1978. « Je m’en souviens encore, il n’était pas maire. Il venait à Toulouse présenter son premier livre La passion des chrétiens du Liban. Il avait donné une conférence et je m’étais fait dédicacer le livre.« , nous a confié le maire actuel de Toulouse, nostalgique.
En 1982, il quitta l’audiovisuel pour se lancer officiellement en politique et prendre la relève de son père, Pierre Baudis, alors maire emblématique (mais sortant) de Toulouse de 1971 à 1983. S’il pouvait être perçu comme un « fils de » au moment de sa prise de poste, il a prouvé le contraire en multipliant les mandats et les succès : membre du Parlement Européen, conseiller général de la Haute-Garonne, président au Conseil régional de Midi-Pyrénées, membre du bureau politique et du conseil de la présidence de l’UDF… Sans oublier ses dix-sept années à la place de maire de Toulouse et durant lesquelles il a vivement participé à la transformation de la Ville rose en grande métropole économique.
Il avait une vision très pointue dans le sens ‘à la pointe’ sur certains sujets. Je pense au niveau de la création du métro toulousain qui était pris pour quelque chose de presque ‘gaguesque’ il y a près de 30 ans. Au final, c’est cette création qui a permis l’essor de la métropole toulousaine qui transportera demain plus de 600.000 visiteurs par jour« , nous a rappelé son fils, Pierre Baudis.
Dominique Baudis avec Jean-Luc Moudenc, sur les bords de Garonne. © Mairie de Toulouse/Archives municipales
Un homme de média, de lutte et de lettres
Malgré sa préférence pour Toulouse aux hautes responsabilités, il finira par décliner tous ses mandats électifs pour devenir, en 2000 et à la demande de Jacques Chirac, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (devenu l’ARCOM). Pendant sept ans, et avant d’être élu président de l’Institut du monde arabe (en février 2007), il prendra soin de toujours placer le bien public au centre de ses actions : sa présidence a été marquée par le lancement de la télévision numérique terrestre (TNT) en 2005 et la lutte contre la pornographie, un sujet encore au cœur des préoccupations, pourtant contesté au moment des faits.
Mais s’il n’a jamais lâché ses convictions, c’est parce qu’il était « exigeant pour lui même et les autres et tant mieux car on ne peut pas être maire si on ne l’est pas car c’est une tâche immense que l’on ne doit pas conduire à la légère », souligne Jean-Luc Moudenc, fier d’avoir été épaulé et conseillé par cette personnalité dont il s’inspire toujours, lui qui est devenu maire à son tour le 4 avril 2014. Autant de projets politiques menés de front avec ses œuvres littéraires : on lui doit notamment Raimond d’Orient, en 1999, La Conjuration, en 2001 et Il faut tuer Chateaubriand en 2003.
Dominique Baudis, toujours au service des autres. © Ville de Toulouse, Archives municipales, 53Fi3607
D’Alègre à Baudis, une sombre affaire de calomnies
En mai 2003, alors qu’il était encore à la tête du C.S.A, « l’affaire Alègre » – liée au tueur en série Patrice Alègre – faisait les choux gras de la presse et anéantira Dominique Baudis. « L’affaire Alègre, alors qu’il n’était plus en charge des affaires de la Cité l’affecta très durement. Il sortit blanchi de l’épreuve judiciaire mais rattrapé dès ce moment par la maladie qui l’emporta quelques années plus tard. », se rappelle Serge Didier. Des propos confirmés par Jean-Luc Moudenc. « Cela a été un traumatisme pour lui, une torture d’une extrême ampleur mais aussi pour l’équipe municipale de l’époque qui s’est trouvée en proie à des divisions qui ont pesé lourd, se souvient-il. Mais ça n’a rien changé dans le rapport des Toulousains envers Dominique Baudis, ils n’ont pas cru à toutes ces histoires et ces calomnies. Sa confiance n’a nullement été altérée et elle a été consolidée lorsque la lumière a été faite sur cette abominable machination.«
Accusé de viols (voire de meurtres) par deux prostituées et au cœur d’un véritable fait divers totalement imaginaire, Dominique Baudis finira par tout raconter, en 2005, dans l’ouvrage Face à la calomnie. Une page se tournait.
Avec Claude Nougaro, pour l’ouverture du jardin à son nom aux Minimes. © Mairie de Toulouse/Archives municipales
Les combats de sa vie
En 2009, il reviendra dans la vie politique et il sera désigné tête de liste UMP de la circonscription Sud-Ouest (dont Toulouse) sans grande difficulté ; en plus d’être vice-président de la commission des affaires étrangères du Parlement européen. Pas étonnant pour son ami Serge Didier, « C’est en cela que Dominique Baudis montrait sa force intérieure et qu’il réussit , dans une ville qui ne lui était pas acquise politiquement, à déjouer tous les pronostics. ». Un retour aussi discret que prometteur (donc), mais pour la seconde fois, il démissionnera de tous ses mandats. Et pour cause, le 22 juin 2011, Nicolas Sarkozy l’avait nommé Défenseur des droits.
Il reflétait un parcours extrêmement atypique pour l’époque. De journaliste local au niveau national, c’est un côté challenger et savait prendre le pouls d’une société, d’une ville et d’une cité. », assure Pierre Baudis au sujet de ce père, infatigable touche-à-tout.
Avec ce titre, Dominique Baudis se mettra une fois de plus au service des autres puisqu’il tentera de lutter contre les discriminations : les victimes atteintes du sida et les enfants seront sa principale bataille… Jusqu’à ce 10 avril 2014, date qui marquera son dernier jour de combat. Celui contre le cancer du poumon.
Un parcours émérite qui aura donc marqué (et parfois échauffé) les murs du Capitole ainsi que ses plus proches fidèles. C’est pourquoi, si Serge Didier devait le décrire en un mot, ce serait « ‘dignité’ car il fut digne toute sa vie et c’est en cela que nous l’aimions« . Tandis que pour Jean-Luc Moudenc, ce serait « un mot tout simple : MERCI. Merci pour Toulouse. Et à titre personnel, merci pour m’avoir formé aux responsabilités…« .
Dominique Baudis dans un A320. © Mairie de Toulouse/Archives municipales
Et puis, si les Toulousains se rappellent encore de lui, dix ans après sa mort, c’est parce que « Dominique Baudis était devenu au fil du temps celui en qui tout le monde se reconnaissait. Il était membre de toutes les familles toulousaines« . Et il en fait encore partie, visiblement.
Écrit par Pauline Boucher
Journaliste
Journaliste web, Pauline est passée par la rédaction de melty et Vivre Paris à Paris avant de se mettre à son compte (collaborations avec ETX, Toulouscope et Actu Toulouse), puis de rejoindre l’équipe toulousaine de L’Opinion Indépendante.
Contact : paulineboucher@lopinion.com